La dernière bataille

Les combats de la Montagne de Reims


Le 79 e RI est envoyé renforcer les unités qui défendent la Montagne de Reims, et en particulier la cote 240, située dans les bois à l'ouest de Vrigny et qui domine Reims et les vallées de l'Ardre et de la Vesle.








Principales unités engagées dans les combats de la Montagne de Reims en Juillet 1918.


La journée du 24 juillet


Le 24 juillet, le 2ème bataillon du 79e RI arrive donc aux abords la ferme Méry, sur la commune de Méry-Prémecy, en renfort d'un régiment italien décimé les jours précédents. En arrière de cette position, à l'est, se trouve la Montagne de Reims et la cote 240. Un poste d'observation français installé là surplombe la campagne situé à l'ouest de la ville. Les vagues d'attaque allemandes se sont succédées pour essayer de prendre cette position et contourner la cité des Rois de France par le sud. Mais la défense des tirailleurs sénégalais les en a empêché, au prix de milliers de pertes. C'est de là que l'état-major allié entend entreprendre la reconquête du "ravin" à l'ouest des bois de Vrigny, et dégager définitivement le sud ouest de Reims.

L'endroit est malsain : la ferme Méry constitue un saillant qui, bien que situé en surplomb des lignes allemandes, est très vulnérable. Le côté gauche du bataillon est complètement dégarni, et le vallon en direction du bois de Saint-Euphraise constamment infiltré par des reconnaissances allemandes. Le côté droit est lui constamment menacé par de nouvelles attaques allemandes en direction de la cote 240 et des bois de Vrigny, porte sud et clé du système défensif de Reims.


La dernière carte de Georges: la guerre, la ferme, le "petit Roger" et l'amour, toujours...

Georges écrivit sa dernière carte le 24 juillet depuis la Ferme de Méry, où il arriva la nuit précédente. 


le 24 juillet 1918, 2h1/2 du soir [14h30]
 



Ma petite Ninie chérie,
Que vas-tu penser ne t'ayant pas écrit hier? J'étais loin de penser pouvoir faire partir une lettre et d'abord je n'ai pas eu seulement deux minutes pour te faire un mot. A 3 heures et demie, hier matin, je quittais le bois où j'étais pour me rapprocher de Reims croyant passer le restant de la journée dans un petit pays sur la gauche et à 8 à 10 km de Reims. Et bien sitôt arrivé, j'ai mangé la soupe tout de même, et ensuite repris la marche vers les lignes: si bien que je suis arrivé tout de même ce matin à 4 heures (après avoir fait quelques heures de repos dans la soirée) dans une ferme tout près des lignes où j'espère bien y passer le restant de la journée. D'abord, je ne peux pas aller bien loin, les boches étant presque tout autour. J'y ai déjà fait un bon sommeil ce matin; j'en avais bien besoin, je t'assure. Comme tranquilité, ce n'est pas tout à fait cela, mais tant que ça n'ira pas plus mal encore, je peux y tenir.
Je ne t'ai pas dit qu'hier soir pendant la pause dans un petit bois le wagmestre [sic] est arrivé avec les lettres. Je n'y comptais pas sûrement dans cet endroit là; c'est comme pour qu'il vienne ici aujourd'hui, ce ne sera pas la pause non plus, s'il vient! Enfin, j'en étais heureux puisque j'avais tes deux lettres du 19 et 20, me faisant bien plaisir, je t'assure; car c'est toute la consolation que je peux avoir dans ces mauvais jours d'ennuis.
Tu me dis que Petit Roger devient toujours de plus en plus drôle, sans avoir peur de rien. Il doit même être content d'être souvent sorti comme ça? et comme il fait toujours beau c'est facile de le contenter.
Je ne suis pas prêt d'aller le voir, je crois bien; ou alors il va falloir que les évènements changent. C'est vrai que nous n'allons peut-être pas toujours rester en ligne non plus; car depuis quelques temps ce n'est plus une existence que nous menons et si j'ai besoin de repos, je t'assure que je ne suis pas le seul. Enfin! Espérons toujours retrouver de meilleures journées. Je ne sais si nous attaquerons encore dans cette pointe avancée, mais pour cela il faudrait bien que les côtés avancent aussi. Les communiqués ne sont pas mauvais certainement, mais hélas! les malheureux qui y restent ne sont pas comptés et combien y en restera-t-il encore?!
Si seulement c'était le dernier coup, mais je n'y crois pas encore malheureusement!
Ce serait pourtant l'année de rentrer pour reprendre des forces avec le bon vin qu'il y aura. Je peux dire bon car à présent c'est forcé et qu'il y en ait aussi. Depuis quelques jours j'ai vu de belles vignes malgré qu'elles ont été un négligées depuis cette offensive des boches et même avant.
Si les nôtres ont été sulfatées et souffrées, il doit y en avoir un peu de reste également?
La moisson doit approcher maintenant? Peut-être que c'est déjà commencé? Si je ne me trompe, les blés devraient être grainés cette année. Les avoines n'ont pas dû pousser beaucoup: Pourra-t-il seulement toutes les attrapper avec la lieuse?
Les vaches ne doivent pas augmenter en effet de ce temps là.
Tiens! je pensais que si toutefois la réquisition voulait te prendre un cheval et que tu aurais le choix, tu n'aurais qu'à donner Marquis, comme c'est le plus vieux  et... vaut mieux qu'ils te les laissent tous.
Je ne vois plus rien de bien intéressant à te raconter pour aujourd'hui. Je vais finir pour me reposer encore un peu pendant que je suis à même.
Embrasse bien petit Roger pour moi et à toi, ma chérie, mes plus tendres baisers.
Mes amitiés à Bonne Maman et à toute la famille.
Bons bécots de ton petit Georges qui voudrait bien être auprès de ses chéris.
 


Je joins la lettre à Marcel reçue hier soir

Bons bécots
Georges

Quelques heures après la rédaction de ces lignes, Georges allait être mortellement touché...

Le 25, vers 1 heure du matin, la ferme Méry est abandonnée par ses occupants pour ainsi rétablir une ligne de front cohérente et rectiligne, permettant aux unités de première ligne d'être connectées entre elles. A nouveau attaqués par les Allemands, les occupants de la ferme retournent en direction du Bois Planté - où culmine la cote 240 - par le vallon qui sépare Méry-Prémecy de Vrigny.



Entre le 22 juillet et le 2 août, les pertes du 79e RI dans les combats de la Montagne de Reims s'élèvent à 130 hommes (123 tués et 7 disparus).
Villedommange, situé à environ 6 km de la ferme de Méry -
Identification des corps - Juillet 1918
A noter, à l'arrière plan, les brancardiers de "l'Armée noire",
soldats d'Afrique qui payèrent une lourd tribu lors des combats pour Reims

Villedommange, situé à environ 6 km de la ferme de Méry -
Identification des corps - Juillet 1918



Pour en savoir plus:

Sur les mouvements de troupes à l'ouest de la cote 240, entre les 21 et 24 juillet 1918:
http://batmarn2.free.fr/italien7.htm

http://mondedestef.over-blog.com/article-lili-des-bellons-56309840.HTML

Sur le 2e bataillon du 79e RI, dont faisait partie la 2e Cie de Mitrailleurs de Georges:
L'infanterie de la victoire, Cdt Delmas

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